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05 Fev. 2013 / Editorial

Politique de santé : le ciel s'éclaircit pour les observatoires?

par Jean-Luc Gallais

Nous ne sommes plus à l'époque héroïque des années 80 où dans les rapports on pouvait lire, "En France on sait un peu de quoi on meurt, un peu moins ce dont on est malade et pas du tout comment on est soigné.". Et pourtant...



 A l'occasion de sa conférence de presse sur la crise "contraception 3eme génération" Madame la Ministre de la Santé a fait le constat de la faiblesse de la pharmacovigilance et soulignait en conclusion le besoin d'avoir rapidement des outils "sur les comportements prescriptifs collectifs".

Dans cette même période avait lieu un séminaire national impliquant, les organismes de recherche et notamment la Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques (DREES) sur les conditions de développement d'observatoires des pratiques des médecins généralistes en France. Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, la France malgré ses multiples institutions sanitaires administratives et de recherches n'est toujours pas dotée d'un outil national suffisant et pérenne pour produire en permanence des informations sur les pratiques de soins. L'Assurance Maladie dispose bien d'une base de données de remboursement des soins, le SNIIRAM, mais sa finalité est principalement la gestion administrative et le suivi des dépenses. Par ailleurs cette base ne comporte pas actuellement les informations pertinentes utiles liées aux soins et à la prévention.

Dans ces conditions au delà de la prescription des médicaments, il est impossible d'analyser la complexité du système de santé et d'avoir une lisibilité et bonne compréhension des parcours de soins. Il est pourtant indispensable de décrire pour savoir et comprendre, d'analyser pour décider et évaluer et surtout anticiper.

Il est évident qu'une telle approche relève des logiques de la santé publique et que le déficit culturel dans ce domaine est connu. Le non renouvellement de la loi de santé publique de 2004, et son report d'année en année, n'est que le signal de la faiblesse des acteurs de la pression santé publique, face aux autres lobbyings qui non seulement ne partagent pas ces préoccupations, mais surtout en craignent les effets pour leurs intérêts catégoriels.
Le chemin de la santé publique va de la production de données de santé à celles des hiérarchies des besoins et aux décisions nationale ou régionales.
Ces systèmes d'information sur la réalité des soins quotidiens au plus grand nombre sont indissociables d'une organisation d'un système de santé faisant la promotion de la qualité et de la sécurité des soins. Les observatoires en soins primaires permettent de percevoir à la fois les signaux multiples du corps social et des professionnels de la santé. Ce sont des indispensables leviers de pilotage et de régulation.

Leurs rôles dépassent les aspects recherche et organisation car ils impliquent la société au sens large. La pétition du Ciss (Collectif Inter Associatif sur la santé) « Libérez nos données de santé ! " l'illustre parfaitement en exigeant un accès facilité aux données de la base SNIIRAM de la CNAMTS.

Du côté des soignants, le Collège de la Médecine Générale qui fédèrent les enseignants universitaires, les sociétés savantes et les associations professionnelles n'est pas inerte. Il est porteur d'un mandat pour un observatoire national des pratiques, pour poursuivre et amplifier la production de connaissances initiée depuis longtemps par l'Observatoire de la Médecine Générale (OMG-SFMG).

Toutes les conditions sont, ou semblent réunies pour répondre aux besoins sanitaires et politiques avec l'ensemble des acteurs impliqués. Mais les observatoires, quelque que soit leur thème, sont aussi des thermomètres dans le champ social. La température affichée n'est forcément la température supposée ou annoncée ici ou là. C'est là un effet indésirable fréquent et la tentation de casser les thermomètres est alors très grande. Toute allusion avec les carences de la pharmacovigilance ne peut être que fortuite...
Il reste aussi une possibilité, ne pas avoir de thermomètre, et de faire de la politique de santé "au doigt mouillé" ou de ne prendre en compte essentiellement que des d'opinions, celles des experts et de sondages. Mais est-ce vraiment la bonne réponse dans le domaine de la santé dont le budget est équivalent à celui de la nation ?

Dr Jean Luc Gallais
Spécialiste en médecine générale et en santé publique
Directeur du conseil scientifique de la SFMG.

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