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10 Sept. 2012 / Editorial

Les AMHC, l'autre face invisible des médecins généralistes

par Jean-Luc Gallais

Editorial

La notion de la visibilité ou de l'invisibilité sociale et médiatique du "médecin généraliste" en tant que soignant est une thématique connue. Anne Vega en tant que sociologue à notamment abordé cette question sous l'intitulé de "l'invisibilité du maillon généraliste" dans la chaîne des soins. Il aura fallu le mouvement initié par la grève des gardes de nuit et les manifestations de 2002 pour que les généralistes fassent la Une des médias grand public et que l'Encyclopédie Universalis francophone mentionne ces faits dans les points d'histoire de l'année. Ce sont maintenant essentiellement les questions de démographie basse en zone rurale et périurbaine qui remettent les médecins généralistes au-devant de la scène sociale et politique.

Le "où" ou "comment" trouver un médecin traitant généraliste est devenu un leitmotiv des élus locaux !

À côté de la facette d'acteur soignant du généraliste, il existe pourtant des aspects encore plus méconnus. Ce sont les activités médicales hors cabinet libéral (AMHC). Il ne s'agit pas là simplement des activités de permanence des soins ambulatoires (PDSa) qui impliquent 60 % des MG ; Ce sont celles des 30 % de praticiens exerçant leurs compétences diversifiées au sein de multiples dispositifs qualifiés de spécialisés : médecin de régulation de centre 15 (1 MG sur 5), médecin de centre de planification familiale, médecin de centre d'orthogénie, médecin d'Institut Médico-pédagogique, médecin de centre gériatrique et d'EHPAD, médecin du sport, médecin investi dans des réseaux santé ou de soins, médecin d'expertise, médecin de centre d'addictologie ou médecin d'établissements hospitaliers allant de l'hôpital local au CHU.

Il faut ajouter à ces AMHC les 6 % médecins généralistes exerçant notamment des activités universitaires à la faculté en tant qu'enseignant et Maître de Stage Universitaire. A cette déjà longue liste, il faut également rappeler pour 10% des MG l'investissement dans la vie sociale en tant d'élus des instances professionnelles ou dans la vie politique de la cité. Ce catalogue est loin d'être exhaustif comme l'a montré l'étude O.Jean et Col en 2005 dans la revue Santé Publique, avec 51 % de MG impliqués dans les AMHC dans une moyenne de 1.4 activités.

Cette réalité est notamment la conséquence du profil professionnel peu apparent de nombreux généraliste. La DREES nous rappelle qu'à côté de leur qualification de généraliste 35 % à 45 % d'entre eux ont une ou plusieurs formations spécifiques et diplômes complémentaires (DREES 2008).

Ces médecins généralistes sont ainsi des "interfaces", des "passerelles" de communication et de médiation entre le dispositif territorial des soins primaires de médecine générale et N structures ambulatoires ou hospitalières. Appartenant à des univers multiples, ce sont des "professionnels d'interfaces" par leur exercice pluri-site, pluri-statutaire et pluri-professionnel. Ils constituent ainsi au sein du système de santé comme dans le dispositif de soins du territoire local, des ressources (méconnues) pour la population, pour les autres généralistes et les autres acteurs médicaux et sociaux.

La mise au grand jour de cette facette peu connue n'est pas accessoire dans cette période de déclin démographique. La réduction du nombre des médecins généralistes, provoquant une augmentation de la charge de travail pour ces derniers, s'accompagnera inévitablement aussi de la réduction des généralistes investis dans ces AMHC. Le Baromètre INPES 2009 conforte cette analyse. Ainsi de 1994 à 2009, réduction de 11.9% à 4.9% des MG pour les activités relatives à des associations de malade. Réduction également significative de 32% à 20.4% pour les activités de formateur et maître de stage.

Ces aspects témoignent de la variété des impacts prévisibles dans le champ médical et social, impacts qui dépassent largement le cadre de l'exercice ambulatoire directement soignant et l'insertion visible du médecin dans la cité. Ces AMHC ne sont rarement évoquées dans les problématiques médiatisées ce jour. La prise de conscience des enjeux étant parcellaire, faudra-t-il attendre des situations de crises multiples au plan national pour mettre en œuvre une politique d'investissement dans le domaine des soins primaires dont la médecine générale est le socle ? Le médecin généraliste acteur médical et social à l'interface du champ social et médical, soignant et manager transversal à N dispositifs, voila un nouvel axe de réflexion et de débats.


Dr Jean Luc Gallais
Directeur du Conseil scientifique SFMG