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12 Fev. 2010 / Editorial

Le médecin généraliste, le pharmacien et le photocopieur !

Pascale Arnould

Editorial

« Docteur, c’est pour mon renouvellement d’ordonnance ! »

Quand un patient se présente en consultation avec cette demande le médecin généraliste pourrait « brancher » sa photocopieuse et satisfaire à la demande du patient.

Mais les 9 ans de formation à sa spécialité lui permettent de comprendre qu’il s’agit en fait du suivi d’une ou le plus souvent de plusieurs pathologies chroniques dont le patient est porteur dans un contexte familial et socio-professionnel spécifique à chaque individu. Dans la confidentialité que permet le colloque singulier au sein du cabinet médical, il fait en sorte que le patient présente ses problèmes, ses représentations, celles de son entourage et les contraintes environnementales qui sont les siennes. Puis le médecin traitant, comme l’indique son nom, s’enquiert de l’efficacité du traitement, de sa tolérance et de l’observance. Il recherche l’apparition éventuelle de signes d’aggravation de la maladie ou de la survenue d’autres problèmes de santé. Pour chacun des problèmes de santé pris en charge (en moyenne au moins 3 ou plus par consultation) il évalue les indications, hiérarchise les objectifs, ajuste le plan de soins, dans l’espace de liberté que lui laissent les recommandations, les attentes et représentations du patient, le système local d’organisations des soins, les contraintes de la consultation, les capacités du patient à faire face aux frais des examens complémentaires ou des consultations spécialisées. Détenteur du dossier de son patient, Il organise, structure et synthétise les différentes informations pour leur donner un sens médical et note ses décisions avant de rédiger une ordonnance. Il s’assure que cette information sera compréhensible par ses stagiaires, ses remplaçants, ses associés et d’autres intervenants de santé.
Cette analyse réflexive s’appuie sur une connaissance approfondie des patients que permet la relation dans la durée et qui multiplie la capacité à identifier une rupture dans l’état de santé antérieur, Chaque fois que nécessaire il recourt aux examens complémentaires justifiés par la situation du patient.
En décidant de maintenir ou non un traitement, de prescrire ou non un examen complémentaire, d’adresser ou non à un correspondant, le médecin généraliste engage sa responsabilité médicale civile et légale.

La loi HPST stipule dans l’article 38 « que les pharmaciens d’officine, à la demande du médecin et avec son accord pourraient renouveler périodiquement des traitements chroniques et ajuster au besoin leur posologie et effectuer des bilans de médications destinés à en optimiser les effets. »
Qu’un pharmacien « renouvelle » les ordonnances sur une durée déterminée n’a rien de nouveau. Qu’à la demande du médecin et avec son accord il puisse ajuster au besoin les posologies laisse rêveur. D’une part parce que la loi ne précise pas si le transfert de responsabilité civile et pénale se fera également du médecin vers le pharmacien d’autre part parce que le législateur semble considérer que cette décision d’ajustement pourrait se faire, comme la distribution de certains médicaments, sur « le devant du comptoir ». Enfin il suffirait au législateur d’entrer dans une pharmacie pour comprendre que l’espace de confidentialité y est le plus souvent virtuel. Mais le législateur va plus loin en proposant la possibilité d’effectuer des bilans de médications, laissant ainsi entendre que la prescription médicale est en règle trop fournie.
Un certain nombre d’études dont Polychrome viennent mettre à mal cette opinion délétère et d’une certaine façon dangereuse pour les patients car fondée sur une méconnaissance des problèmes de santé de la population, de la pratique de la médecine générale et un souci « d’économies faciles » qui l’emporte sur l’efficience.

Pascale Arnould
Présidente