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11 Oct. 2010 / Editorial

Le dépistage systématique, cache sexe de la santé publique en France

Olivier Kandel

Billet d'humeur

Un dépistage du SIDA pour toute la population, voilà la dernière proposition du ministère de la Santé. Une telle décision ne saurait être que louée. Osons pourtant le politiquement incorrect. La question est de savoir ce qui justifie un dépistage systématique de la population de 15 à 70 ans.

Le SIDA en France c'est actuellement 150 000 personnes séropositives et 6 500 nouveaux cas par an. Si plus de la moitié des nouveaux cas se trouve chez les hétérosexuels, une majorité est représentée par les patients d'origine étrangère, principalement d'Afrique subsaharienne. La contamination homosexuelle est retrouvée dans 38% des cas et la Guyane Française est 6 fois plus atteinte que la France métropolitaine.

Après le fiasco de la grippe H1N1 l'an dernier, une campagne de dépistage systématique du VIH pourrait redorer le blason de la santé publique en France. Nous ne savons pas encore quelles seront les modalités techniques de ce dépistage. Peut-on au moins espérer que l'échec relatif, jusqu'alors, du dépistage de masse du cancer du sein serve de leçon. Ces deux pathologies ont en France des incidences voisines mais pour un ciblage de population bien différent : 3 cancers du sein pour 1000 femmes contre 4 VIH pour 1000 personnes adultes.

On craignait que la démarche de santé publique ne sorte pas renforcée de l'affaire H1N1. Cet abord du dépistage VIH dans notre pays risque de ne pas déroger à cette carence récurrente.

On sait que dans notre pays toute question médicale est "un problème majeur de santé publique". Cette pathétique litanie est d'ailleurs très bien relayée par les lobbies. Un exemple parmi d'autres : les spots radiophoniques actuels, véhiculés par un ancien champion du monde de football, invitant tous les jeunes sportifs à penser à la spondylarthrite ankylosante s'ils ont des douleurs articulaires !

Oui le Sida est un problème de santé, mais que fait-on en Guyane Française ? Pourquoi restreindre en même temps l'accès aux soins des plus démunis ? Que fait-on avec la trithérapie dans les pays pauvres ?

Médecin généraliste de ville, je suis un certain nombre de patients séropositifs et pratique sans retenue le dépistage du VIH, mais puisqu'il s'agit de sexualité, je diagnostique chaque année bien plus de grossesses chez des lycéennes. Comme pour le SIDA, les chiffres d'IVG en France sont mauvais, au regard des autres pays industrialisés. On en recense plus de 200 000 par an, dont 13 000 uniquement chez des filles de 15 à 17 ans ! Alors, que le SIDA est une inquiétude régulièrement évoquée par les jeunes, je centre la prévention sexuelle sur le risque premier des lycéens, à savoir une grossesse ! 100% des premiers rapports ne sont pas protégés leur dis-je. En plus de 20 ans, je n'ai été contredit que très rarement. Alors, le préservatif bien entendu, mais quid de la maladresse, de la timidité bien légitime lors des premiers rapports ?

Continuons à lancer de grandes opérations catégorielles de dépistage de masse sans cohérence générale, mais sachons qu'il ne s'agit pas de santé publique. Comme cette grotesque campagne de sensibilisation au dépistage précoce de l'Alzheimer. Qu'on me dise quel bénéfice réel j'aurais à savoir que je suis en train de développer cette maladie !

La santé publique est une démarche radicalement différente de celle du soin au patient. Il faudra bien un jour l'aborder autrement que par les seuls avis experts de chaque maladie.

Olivier Kandel


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