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07 Mars 2016 / Editorial

La vie serait un chemin… ah bon ?

Olivier KANDEL

Ce matin un jeune patient, venu pour des douleurs musculaires, m'évoque ses doutes et ses peurs concernant le chemin à prendre ! Il saisit mal de concevoir la vie comme une route, même jalonnée de possibles bifurcations. Fais ton chemin lui disent ses parents. Il parle spontanément de son angoisse faite de craintes de se tromper d'itinéraire et d'une fin de la route connue d'avance… silence… puis, la vie serait-elle un chemin, lui dis-je ?

Me revient alors la phrase citée par mon ami Jean-Jacques : ne demande jamais ton chemin à quelqu'un qui le connaît, car tu pourrais ne pas t'égarer (Nahman de Bratslav). Il sourit. Cette référence au chemin, évoque implicitement le droit chemin, sans faux pas, pour éviter le fossé. Une vision linéaire, même chaotique de la vie n'est opérante qu'en envisageant la mort comme un nouveau carrefour avec une suite ou un après. D'ailleurs, le chemin ne renvoie-t-il pas au Christ et son chemin sur la terre avant de rejoindre son père ? Pour les autres, qui ne suivent pas de loi religieuse, n'ont pas la foi, l'absence de sens les obligerait malgré tout à se plier et adopter l'aphorisme, en réduisant le non-sens à un concept cartographique d'une route, fût-elle sans issue.

Me souvenant vaguement d'une citation, que je croyais de Churchill, une rapide recherche sur Internet : Quand on ne sait pas où l'on va, tous les chemins mènent nulle part (Henry Kissinger). Immédiatement pondérée par un : Si vous ne savez pas où vous allez, n'importe quel chemin vous y mènera (Lewis Carroll). Pour couronner le tout, juste avant de revenir au début de notre conversation un : N'allez pas là où le chemin peut mener. Allez là où il n'y a pas de chemin et laissez une trace (Ralph Waldo Emerson). Voilà un coin bien fiché dans cette vision dominante. Il semble intéressé, rivé à l'écran de l'ordinateur que nous partageons.

Je lui demande s'il connait des synonymes du mot chemin. Route, itinéraire, me dit-il, puis piste et… hors-piste et ensuite voyage, vagabondage. Je n'ose lui proposer pérégrination, déambulation et encore moins errance, je pense à ses parents ! Mais le regard est maintenant légèrement différent, entre le chemin et le voyage. Un possible semble pointer, dans une vision peut être moins laborieuse et factuelle, mais plus imaginaire et légère. Dans une imperceptible chorégraphie, je me redresse du fauteuil reposant mes mains sur le bureau, au moment où, lui, se laisse aller doucement sur le dossier de sa chaise. Je lui propose d'en reparler dans quelques semaines s'il le désire. Ah merde, je ne lui ai rien donné pour ses myalgies !


Olivier Kandel
Membre titulaire de la SFMG

Ces propos n'engagent que l'auteur






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