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27 Juin 2011 / Editorial

Faites-vous dépister, vous serez malade plus longtemps et vous mourrez le même jour, à la même heure, de la même manière

Gilles Gabillard

Billet d'humeur

Le 5e congrès de la médecine générale a connu des temps forts parmi lesquels la plénière du Collège de la Médecine Générale faisant le point sur le dépistage du cancer de la prostate.



Des orateurs de talents se sont succédés, faisant alternativement le point sur les connaissances actuelles, la médiatisation de ce dépistage et sur la décision partagée.

 Des phrases chocs y ont été dites telle : « Faites-vous dépister, vous serez malade plus longtemps et vous mourrez le même jour, à la même heure, de la même manière. »
Cette plénière a été remarquable par la prise de conscience de l’auditoire de la force de proposition et de décision que la Médecine Générale pouvait représenter quand elle s’unissait. Cette union a permis l’affirmation avec force de la nocivité de ce dépistage et par conséquent, comme l’a dit Pierre-Louis Druais, président du Collège, de peser sur les institutions ministérielle ou judiciaire.

Je voudrais revenir sur ce frémissement de plaisir qui a parcouru la salle, lors du lapsus d’un orateur qui, dans son introduction, a parlé de « cancer du dépistage ». S’il s’était agi d’un « bon mot » probablement aurait-il eu moins de force. Mais le lapsus faisant appel à l’inconscient lui a donné toute sa force et restera probablement dans les annales. Effectivement ce temps passé à expliquer la dangerosité du dosage du PSA dans le dépistage systématique grignote nos consultations. Et que dire de notre mal-être lors de l’examen de ces quelques patients, adressés par l’associée, qui reviennent quand même, fidèlement chaque année, malgré cette information certainement mal faite, pour avoir un toucher rectal et leur ordonnance de PSA. Ces campagnes de dépistage nous mettent en porte à faux avec nous-mêmes, nous obligeant à agir contre l’intérêt de nos patients : ce n’est pas uniquement le temps qu’elles nous grignotent.

Nul doute que maintenant, appuyé par la profession entière, notre discours sera plus ferme et convaincant.

Cependant j’ai peur : que va devenir ce mouvement de fond, cet espoir, perçus au moment de cette plénière, unis pour le bien de nos patients ?
- Dans l’idéal une vague sur laquelle le collège va surfer pour éclaircir les points obscurs persistants dans notre exercice, comme par exemple, la discordance entre l’insistance de nos tutelles à nous faire promouvoir la mammographie de dépistage et les méta-analyses montrant dans le meilleur des cas l’absence d’intérêt.
- Ou bien n’était-ce qu’un soufflet, dont on connaît bien la destinée.

Gilles Gabillard

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