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02 Mars 2015 / Editorial

A-t-on encore besoin de l’examen clinique ?

Elisabeth Griot

Pas la peine de les examiner «puisqu’ils ont tous Ebola» ! L’examen clinique à quoi ça sert ? Et de plus nous ne pouvons pas examiner sans stéthoscope ! Le débat fût animé entre les médecins guinéens travaillant dans le centre de traitement Ebola où j’intervenais.

Qu’apporte l’examen clinique alors que le diagnostic est posé par le test de laboratoire? Pourtant l’examen clinique permet de différencier un choc septique d’une déshydratation. Fait régulièrement, il précise si cette splénomégalie ou cette hépatomégalie était antérieure à l’Ebola ou signe l’apparition d’une atteinte multiviscérale.

Et oui examiner le patient fait partie de notre job de médecin mais habillé en cosmonaute, combinaison, cagoule, masque, double paire de gants, sans stéthoscope, pas évident l’examen. Mais il nous reste nos mains, nos yeux (pas facile avec la buée sur les lunettes et la chaleur) et la parole aussi. Ebola donne très souvent une atteinte respiratoire avec une dyspnée marquée, pas de stéthoscope… à la percussion, cette nuit-là cette petite fille de 9 ans avait une franche matité que l’Ebola n’explique pas.

Nous pouvons avoir la même interrogation en France :
- Intérêt de faire un examen clinique alors que nous avons pléthore d’examens complémentaires ?
- Faut-il pratiquer un examen clinique systématiquement à chaque patient, même si nous l’avons vu peu de temps avant ?
- Quel est le contenu de l’examen clinique ?

Les patients «coulent» dans l’Ebola : ils présentent beaucoup de vomissements, diarrhée, saignements. Ils nécessitent beaucoup de soins de nursing (les nettoyer, laver, changer de draps souvent de matelas). Les médecins dans le centre où je travaillais, participaient avec les infirmières à ces soins. Avec les difficultés liées aux conditions (habit de protection) ce travail est éprouvant, fatiguant : c’est alors tentant de passer vite sur l’examen du patient. D’autant que le travail est peu diversifié, les tableaux cliniques se ressemblent… «Ils ont tous l’Ebola». Que pensez d’ailleurs de nos examens systématiques dit complets qui neutralisent tout autant notre raisonnement. Dans les jours qui ont suivi cet échange, ils s’y sont mis à examiner leurs patients, le moral m’a semblé revenir au sein de l’équipe. Ils retrouvaient leur rôle, ils se sentaient médecin !

Elisabeth Griot
Ces propos n'engagent que l'auteure



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